Jeudi Saint, quel mystère !


Jeudi Saint, quel mystère !
Notre vie sera toujours trop courte pour approfondir cet immense mystère du Jeudi Saint. 
Il y a en ce jour, en ce bref moment d’une soirée plutôt, comme une hyper concentration extra-temporelle de tout le mystère du Christ et de l’Église.
L’Incarnation y est éblouissante, l’enfant de la mangeoire de Noël se fait nourriture, l’Agneau de Dieu montré par Jean le Baptiste se réalise, l’abondance et la perfection du vin de Cana deviennent efficaces, tous les miracles palissent devant celui de la transsubstantiation, la Passion elle-même est anticipée, le repos au tombeau est exprimé, et la gloire de la Résurrection est déjà présente dans la confiance de Jésus lui-même.

« Faites cela en mémoire de moi »
Par fidélité à cette parole de Jésus, les apôtres et les premiers disciples vont léguer à tous les baptisés de l’histoire la célébration du mystère de la Messe.
Leur question était, et notre question est : de quoi sommes-nous appelés à « faire mémoire » ?
Jésus et ses apôtres, leurs ancêtres, en juifs pieux, faisant DÉJÁ mémoire tous les ans. Mémoire de la libération d’Égypte, du passage (= la pâque) de la mer rouge, de l’état de servitude et celui de liberté. De la mort à la vie en fait. Passage accordé par Dieu, à qui nous devons donc rendre grâce (= eucharistein).
Alors, à quelle mémoire Jésus nous appelle t-il ? Que nous ordonne-t-il de faire « en mémoire DE MOI » ?
Lui-même, à partir du repas pascal rituel juif conduit l’Église naissante à un autre mémorial, dans la continuité du précédent, mais d’une nouveauté absolue.
Très rapidement, elle va, dans la célébration, se détacher de la mémoire du repas en lui-même pour se concentrer sur la nouveauté introduite par le Christ. Car cette nouveauté est accomplissement parfait de tout ce qui était annoncé dans l’Ancien Testament. 
Ainsi l’Église se détache concrètement du repas rituel de la pâque juive pour s’attacher fermement à une structure liturgique (liturgie de la Parole et liturgie eucharistique) dont les contours essentiels seront fixés dès la fin du IIème siècle.
La « table » du repas s’efface et disparait devant « l’autel », car l’Église n’est pas appelée par le Christ à faire mémoire d’un banquet, mais du don total de sa vie, de son Corps livré et de son Sang versé.
Le père Josef Jungmann, spécialiste de l’histoire de la messe et artisan de la réforme liturgique demandée par le dernier concile du Vatican, disait : « Ce que l’église célèbre dans la messe, n’est pas la dernière Cène, mais ce que le Seigneur durant la dernière cène a institué et confié à l’Eglise : la mémoire de sa mort sacrificielle ».

« Il rendit grâce » – Eucharistie 
Alors finalement, pour quoi Jésus a t-il rendu grâce ? Nous l’avons déjà dit : pour le passage – la pâque – de la mort à la vie. 
Bien plus que la libération d’Égypte, il s’agit pour Jésus de rendre grâce en anticipation de sa prochaine résurrection. Car il sait, d’une certitude absolue, ferme et invincible, qu’il sera exaucé par son Père, et qu’il surgira vivant (surrexit = résurrection) après l’épreuve de sa Passion.
Au soir du Jeudi Saint, Jésus déjà, rend grâce à son Père pour le don de la Résurrection, et c’est à l’intérieur même de cette action de grâce (eucharistie), qu’il livre son Corps et son Sang. Cette offrande tient donc lieu, pour ses amis qui l’entourent, de gage de la Résurrection.

Mémoire, messe, action de grâce (eucharistie), passion, croix, mort sacrificielle, résurrection, ne sont en Dieu, qu’un seul et même mystère = l’amour.

Car de tout cela, nous comprenons avec évidence, que les évènements que nous allons vivre demain, vendredi saint, n’ont pas été « SUBIS » par le Christ. 
Il offre par avance sa vie qui va lui être enlevée. Il transforme ainsi ce qui sera une mort d’une violence inouïe en un acte souverainement libre de don total de soi. L’amour…

« Il nous a aimé jusque là … » (cf. Jn 13, 1)

Qu’il nous bénisse encore ce soir, et nous fasse désirer davantage notre participation pleine et entière au mystère de la Messe.

Père Jean-Baptiste.

Pour aller plus loin :
– Evangile de Saint Jean, chapitre 13 à 17.
– Benoit XVI, Jésus de Nazareth, tome 2, chapitre « De la Cène à l’eucharistie du dimanche matin ».