Salve, 

Corona: un virus qui vient de Chine, évoquée par les deux photos prises à Pékin: une armée à l’attaque, un oiseau qui s’envole. Entre les deux, l’enjeu de Pâques. Lutter ensemble sans frontières contre le corona passe aussi par la lutte spirituelle, celle qu’ont menée à leur perfection les pères du désert à la suite de saint Antoine. Que nous apprennent-ils? 
Le primat de l’oraison sur tout. Certaines réactions de chrétiens désemparés à l’idée de ne plus vivre la messe dominicale en ces temps majeurs de la liturgie, m’ont semblé appeler des textes repères et une lumière simple sur la foi chrétienne. 
Il est impossible de faire une lecture littérale du texte de l’Apocalypse et de suggérer l’emprise du diable à travers l’arrivée du corona virus. Les pères nous rappellent qu’il y a quatre lectures de la Parole de Dieu, du sens littéral au sens anagogique. Alors? Comment vivre Pâques? 
Le texte de Jacques Maritain sur la solitude me semble donner une réponse lumineuse. Le confinement imposé par le Corona invite chacun à se poser, à lire comme en miroir le monde dans lequel il est, à interroger le sens profond de sa vie dans cet espace-temps hors du temps qui est donné en ce carême. Certes, les mises en oeuvre de sport en appartement, de travail avec les moyens numériques sont essentielles, mais plus essentielle encore est la finalité de nos vies, avant même la mise en oeuvre avec des moyens techniques d’un mode de vie qui reste dans la continuité de l’avant. Si la crise du corona peut avoir une réelle fécondité, c’est bien parce qu’elle soude tous les hommes à partir de leur solitude, qu’elle unit en préservant le mystère de chacun appelé à oeuvrer pour le bien commun. Dès lors, savoir que les vertus théologales sont supérieures aux vertus morales et que l’oraison qui relève des premières est supérieure d’une certaine manière à la liturgie qui relève des secondes, permet au chrétien de vivre sa foi dans une profondeur indépassable, à la suite des Pères du désert, dont une des réalités était la solitude absolue. C’est seulement si nous nous situons à ce niveau de vérité priante que nous pourrons recevoir les gestes de solidarité inédite qui se mettent en place avec le corona, comme ceux de la grande geste priante de la prière qui s’ignore. 
Et de pouvoir vivre les enterrements de ceux qui nous sont chers dans l’espérance de la foi, celle dont vivent les chartreux qui ne sortent pas enterrer leurs parents parce que le Christ ressuscité se rend encore plus présent par cette offrande. Bonne descente en vous-mêmes! 

Claire Bressolette

Le site culture-au-village.fr offre des cartes postales quotidiennes pour prier et méditer. Il est en lien avec un nouveau blog qui diffuse des textes plus longs, culturevitale.fr

Proposition pour la semaine sainte

Ouvrir l’église de Rouffiac de 10H00 à 12H00 et de 16H00 à 19HOO: j’y serai en silence pour prier.

L’accueil en confinement autre est possible à la maison de Rouffiac dans la maison ou en ermitage pour ceux qui veulent prier en silence. Repas fournis sans contact : déposés dans le garage avec des gants.

L’extrait du texte de J. Maritain 

Je crois qu’on se trompe parfois en imaginant que l’unité d’une communauté chrétienne supprime l’incommunicable, et devrait être conçue comme celle de je ne sais quel pieux camping où des effusions qui supposément livreraient le tout de chacun seraient mises sur la table, dans une grande soupière toute fumante d’allégresse familiale. Notre expérience en tout cas a été bien différente (Jacques, Raïssa et Véra). Je ne pense pas qu’il y ait jamais eu entre trois êtres humains d’union plus étroite et plus profonde que celle qui existait entre nous. Chacun était ouvert aux deux autres avec une entière sincérité. Chacun était extraordinairement sensibilisé aux deux autres, et prêt à tout donner pour eux. C’était ainsi dire une seule respiration qui nous tenait en vie.Et pourtant non seulement la personnalité de chacun différait beaucoup de celle des autres, et non seulement chacun avait pour la liberté des deux autres un respect sacré; mais au sein de cette merveilleuse union d’amour qu’avait faite la grâce de Dieu, chacun gardait sa solitude intacte. Quel mystère! Plus nous étions unis, et plus chacun cheminait seul; plus chacun portait les fardeaux des deux autres, et plus chacun était seul à porter son fardeau. En sorte que l’unité du petit troupeau n’a fait que s’approfondir en même temps, parfois cruelle à vrai dire. C’était la part de Dieu.Ma solitude à moi? Il me semble que c’était celle d’une espèce de scaphandrier maladroit, avançant comme il pouvait au milieu de la faune sous-marine des vérités captives et des larves du temps. On ne saurait jamais à quelles tentations de tristesse noire et de désespoir un philosophe peut être exposé à mesure qu’il descend dans la connaissance de soi-même et de la grande pitié qui est au monde. C’est dans la nuit qu’enfin sera ici-bas son repos, si dans cette nuit plus proche de Dieu que le jour, plus désolée aussi, une invisible main qu’il aime le conduit comme un aveugle.
Jacques Maritain, Carnet de notes, 1965, Oeuvres complètes XII, p. 218-220.